dimanche 4 mars 2012

De comptoir...


Voilà qu'il me reprend de penser à l'ennui. Il est loin désormais l'ennui, le vide, la morbide neurasthénie qui dissout le sens de la vie. 


Il dit que c'est bien, l'ennui. 

Mais non. L'ennui, c'est tout pourri, c'est pire que le vide : c'est le néant, la fuite, l'impossibilité d'être présent. 

En fait l'ennui, ça n'existe pas. C'est que la conséquence d'un état de déprime.

On peut s'ennuyer tout seul le dimanche soir, quand on n'a plus rien à faire. Mais en vrai, on a toujours des choses à faire. S'ennuyer, c'est s'échiner désespérément contre le temps, sans parvenir à trouver des choses pour se distraire. Éperdument, vouloir se distraire. Mais se distraire de quoi ?  Si on aime sa vie, on n'a pas besoin de vouloir s'en distraire. Et inversement, chercher à se distraire, c'est vouloir s'échapper de sa vie. S'enfuir loin de soi-même. Et évidemment, il n'y a jamais de distraction suffisante pour tromper le vide. Alain disait "Qui n'a point de ressources en lui-même, l'ennui le guette et bientôt le tient". C'est ça l'ennui. C'est le manque de ressources en soi-même, le vide intersidéral à l'intérieur, la douleur d'être soi qu'il faut fuir.
Lassitude, désintérêt de tout, rien n'est moins fécond que l'ennui. Paralysie totale, on ne peut rien créer, plus rien n'a de goût, les couleurs se fanent, la moindre bribe d'énergie est engloutie dans ce trou noir. 

"Rien n'égale en longueur les boiteuses journées,
Quand sous les lourds flocons des neigeuses années
L'ennui, fruit de la morne incuriosité,
Prend les proportions de l'immortalité." 
Charles Baudelaire - Les Fleurs du Mal - Spleen 2

Il arrive quand on s'occupe de choses dénuées de sens pour nous. Quand on n'éprouve pas d'intérêt pour ce que l'on fait. Et dans sa forme la plus intense, c'est lorsque notre propre vie est dénuée de sens qu'il s'installe. C'est pas un peu symptomatique, ça ?

Lorsque l'ennui toque à la porte et commence à prendre ses aises dans ton salon, c'est un avertissement. Une sonnette d'alarme. Au lieu de chercher à le mettre à la porte, il faut l'accepter, l'interroger. D'où vient-il ? Qui lui a dit qu'il serait le bienvenu ici ? Il faut écouter et aller voir si il n'y a pas quelque chose à réparer chez lui, pour qu'il s'y sente de nouveau si bien qu'il ne songe pas à revenir se réfugier chez nous. 

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